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La science-fiction intéresse-t-elle les femmes ?

Par Jean-Marc Ligny


Mary Shelley

Si la science-fiction n'existe en tant que «genre» littéraire que depuis l'invention du terme en 1924 par Hugo Gernsback, le fondateur de la célèbre revue américaine Amazing Stories, elle avait déjà acquis ses lettres de noblesse dès le XIXe siècle, avec Jules Verne et H.G. Wells, que l'on considère généralement comme ses «pères» fondateurs.

Or, sans remonter aux «fables» philosophiques de Jonathan Swift (Les Voyages de Gulliver), Thomas More (L'Utopie), Cyrano de Bergerac (Royaumes de la Lune et du Soleil) voire Lucien de Samosate au XXe siècle (Voyage dans la Lune), le premier récit de science-fiction digne de ce nom, c'est-à-dire extrapolant à partir des données scientifiques de l'époque, est dû à une femme : c'est Mary Shelley et son célèbre Frankenstein (1818).

Force est de constater qu'après ce coup de maître, les femmes ont globalement déserté le champ de la science-fiction – et celui, concomitant, du fantastique – jusque dans les années soixante, à la fois comme auteures et comme lectrices. La SF, genre «viril», était écrite par des hommes pour des hommes. Les personnages féminins qui y apparaissaient étaient soit destinés au repos du «guerrier des étoiles», soit des victimes effarouchées que le héros se devait de délivrer des tentacules du monstre ou de l'extraterrestre.

Ce n'est que dans les années soixante – libération des moeurs oblige ? – que quelques écrivaines «osèrent» pénétrer timidement ce domaine éminemment masculin. Et encore, sous pseudonyme – André Norton pour Alice Norton, James Tiptree Jr pour Alice Sheldon – ou avec des noms équivoques – Leigh Brackett, C.L. Moore (Catherine L. Moore).


L'«invasion» des femmes

Dans les années soixante-dix, l'anthologie Femmes et merveilles de Pamela Sargent (1974) mit à mal le machisme pépère du petit monde de la SF en révélant que oui, des femmes écrivaient de la SF, et non, elles n'avaient plus honte de le faire sous leurs propres noms. Et pourquoi pas, elles avaient aussi des lectrices. C'est ainsi qu'apparurent de grands noms qui comptent encore aujourd'hui, comme Ursula Le Guin, Joanna Russ, Carolyn J. Cherryh, Tanith Lee, Anne Mc Caffrey, Kate Wilhelm, Vonda Mc Intyre, Marion Zimmer Bradley.

Une vague qui allait s'amplifier, les femmes « squattant » un créneau que peu d'auteurs masculins avaient abordé : celui de l'heroic fantasy, où régnaient en maîtres des auteurs comme Michael Moorcock (Elric le Nécromancien), Fritz Leiber (Le Cycle des Épées) ou Robert Howard (Conan). La plupart des auteures des années soixante s'y engouffrèrent, «féminisant» le genre (M.Z. Bradley, T. Lee, C.J. Cherryh, Loïs McMaster Bujold, A. McCaffrey) et se découvrant du même coup un public féminin nombreux et enthousiaste. On peut dire que globalement, la SF féminine des années quatre-vingt était à 80% de la fantasy.

Poppy Z BriteOr au début des années quatre-vingt-dix émergea une nouvelle vague, plus jeune, débarrassée du féminisme militant des années soixante-dix ou de la volonté de «coller au public» des années quatre-vingt, et dont les auteures s'affirmaient d'emblée comme égales à leurs homologues masculins. Elles accaparèrent tous les genres de la SF, non seulement les sciences «sociales» (Octavia Butler, Ursula Le Guin, Joanna Russ) mais aussi des domaines réputés «hard» comme la hard-science (Connie Willis), le cyberpunk (Pat Cadigan) ou le dernier bastion encore masculin, le fantastique (Anne Rice, Poppy Z Brite, Kathe Koja).

Actuellement, à l'heure où, aux U.S.A., la SF s'enlise dans la «sci-fi» (science-fiction «au kilomètre» déclinée en interminables séries ou sous-séries genre Star Wars, Star Trek ou X-Files), où les auteurs majeurs du genre se comptent sur les doigts d'une main, les femmes tiennent désormais le haut du pavé, phagocytant la fantasy et produisant des œuvres majeures en fantastique. Le succès foudroyant de Poppy Z. Brite ou d'Anne Rice sont là pour le prouver.


Et en France ?

Malgré quelques précurseurs (René Barjavel, Robert Merle, Francis Carsac, J.H. Rosny aîné), la SF n'est apparue que tardivement en France, apportée, si l'on peut dire, dans les bagages des g.i. à la fin de la guerre. Les premières collections dédiées au genre ne voient le jour que dans les années cinquante (Présence du Futur chez Denoël, Anticipation au Fleuve Noir, Le rayon fantastique chez Hachette). Et au début – c'est-à-dire dans les années soixante – la SF française est essentiellement masculine, à l'instar de son homologue anglo-saxonne. À part deux exceptions de taille : Nathalie Henneberg, qui reprit le flambeau à la mort de son mari Charles et «initia» la fantasy en France, et Christine Renard, femme d'écrivain également, qui introduisit la poésie dans un domaine qui, souvent, en manquait cruellement.

Là aussi, les années soixante-dix et son bouleversement des mœurs marquèrent l'arrivée d'écrivaines jeunes et engagées, qui hélas ne firent pas long feu, à part Joëlle Wintrebert, qui était (et est toujours) écrivaine avant d'être engagée, et Gilles Thomas, qui produisit maints brûlots au Fleuve Noir, et dont on ne sut qu'après sa mort qu'elle était une femme !

Durant les années quatre-vingt, la SF française était globalement en pleine déconfiture, enlisée dans des débats interminables – et typiquement franco-français – entre «militants» et «littératurants» (je caricature un peu). Déjà pour un homme, c'était difficile d'écrire, alors pour une femme, pensez donc !


Un nouvel élan

Mais le melting pot culturel des années quatre-vingt-dix – et sans doute, l'approche de l'an 2000 – engendra un nouvel élan à la SF et au fantastique français. Les «anciens» (et anciennes) ayant survécu au désert culturel des années quatre-vingt reprirent de la vigueur, une flopée de jeunes auteur(e)s s'imposa, là encore en suivant peu ou prou le «modèle» anglo-saxon : la fantasy, boudée durant les années quatre-vingt mais «boostée» depuis par les jeux de rôles, a donné Valérie Simon et Corinne Guitteaud ; Sylvie Denis s'illustre dans un domaine plus scientifique ; Joëlle Wintrebert devient une écrivaine de référence, et le fantastique s'illustre brillamment avec des auteures «extrêmes» comme Jeanne Faivre d'Arcier (dont les vampires valent bien ceux d'Anne Rice) ou Anne Duguël, qui «pervertit» en outre nos chères têtes blondes sous le nom de Gudule.

Dans les autres pays francophones, si des écrivaines sont à l'œuvre, cela reste encore très discret à ma connaissance : Élisabeth Vonarburg au Canada (qui fut longtemps le seul écrivain canadien de SF connu ici), la rare Wildy Petoud en Suisse Et en Belgique ? Si l'on élargit son regard au reste de l'Europe, on trouve une écrivaine en Allemagne (Birgit Rabisch), deux ou trois en Italie (Nicoletta Vallorani, Barbara Garlaschelli, Gloria Barberi), quelques-unes en Angleterre (Pat Cadigan, Carol Anne Davis) Il en existe sans doute – certainement – en Espagne, en Autriche, dans les pays du Nord et de l'Est. Mais les éditeurs commencent juste à réaliser que l'Europe existe et est très riche sur le plan culturel. Donc, wait and see.

Jean-Marc Ligny



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