Critique :
L'Enigme de l'univers démarre par un premier chapitre absolument spectaculaire (peut-être l'un des meilleurs qu'il nous ait été donné de lire ces dernière années) et se poursuit par la description d'un monde hallucinant où la bio-technologie et l'informatique ont bouleversé tous les repères au niveau des valeurs et du sens à donner à l'existence. Greg Egan nous livre ainsi, mélangeant habilement cyberpunk et hard science, la vision d'une société totalement désemparée qui se situe dans un futur proche (l'action se situe en 2055).
C'est avec une véritable passion que l'on dévore cette première partie où sont présentés, alors que le narrateur de l'histoire (le journaliste Andrew North) monte son reportage intitulé Intox ADN, les différentes formes de sexualité qui se sont progressivement développées au sein de la société, les militants de l'autisme volontaire, les individus qui modifient leur appareil génétique pour ne plus subir l'action des virus naturels, etc.
Mais, très vite, G. Egan dépasse la problématique de l'impact des biotechnologie sur la société, pour étendre son sujet à la cause ultime qui donne forme et structure à l'univers. Le propos de l'auteur repose sur le fait que, seule la physique et son équation ultime, peuvent donner un sens à ce monde désemparé par les innovations technologiques.
Il en profite au passage pour égratigner tous ceux qui s'opposent à la science au nom de la défense des cultures traditionnelles et du passé, et qui se sont d'ailleurs organisés en sectes, les Sectes Ignorantes. Car dans ce futur, l'ignorance, la volonté de refuser de percer les secrets ultimes de l'univers est devenu une valeur défendue par un grand nombre de personnes. On le voit, sous couvert d'un récit de science- fiction, c'est de notre époque dont il est question, une époque qui est en effet de plus en plus marquée par la nostalgie du passé et par un rejet des dernières découvertes et innovations scientifiques (OGM, clonage, etc.). Une époque où, de plus en plus d'individus revendiquent l'humain face à la science, comme si l'humanisme devait irrémédiablement s'opposer aux grandes découvertes scientifiques.
Toutefois, la seconde partie de l'ouvrage est émaillée de descriptions qui gênent la progression de l'intrigue (par exemple, un chapitre entier est quasiment consacré à la description du mode de fonctionnement et de production de l'île artificielle d'Anarchia). De plus, G. Egan ne prend pas la peine de vulgariser ses spéculations scientifiques, rendant ainsi la lecture difficile pour les lecteurs ne possédant pas un minimun de culture scientifique. Mais, si on fait l'effort de dépasser ces difficultés de lecture, on aboutit à un final spectaculaire qui permet à l'auteur de nous faire découvrir une véritable métaphysique matérialiste.
Tout comme dans son précédent roman, La Cité des Permutants, G. Egan, nous livre donc une oeuvre absolument novatrice, sans doute, indicatrice de la forme que pourrait prendre la science-fiction du 21e siècle.
Jeremy BLAMPAIN |